Planète i (1)

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Dans le noir complet, Moodie regardait par la vitre blindée du vaisseau. L’espace. Immense, d’un noir qu’il n’avait jamais pu voir ou comprendre avant de se retrouver ici, si loin de toute terre. Le hublot de tourisme étroit par lequel il observait les ténèbres formait sous ses yeux des étoiles, des galaxies, des nuages cosmiques colorés. Tout semblait figé, comme la projection d’un film à l’arrêt sous ses yeux, celui d’un bal grandiose. Il ne se lasserait probablement jamais de ces longues minutes passées à rêvasser ici pendant ses permissions.

La puce telecom émit un court signal, un genre de réveil qui lui rappelait son devoir. Le travail n’attend pas. Et le voilà quelques minutes plus tard sur une console pour diagnostiquer une panne sur l’un des drones soudeur qui s’occupe en temps normal d’inspecter la coque et l’infrastructure du vaisseau pour le réparer. Le moniteur central avait noté que ce drone en particulier n’avait effectué aucune maintenance depuis plus d’un mois, ce qui est une anomalie. En réalité, tout ce que le vaisseau pouvait faire automatiquement avec suffisamment de puissance de calcul et de robotique, il le faisait seul. Il y avait des drones de diagnostique et de réparation capable de s’entre-réparer et réparer les autres drones, et des drones pour presque toute la maintenance du vaisseau, que cela soit la gestion des stocks, leur transport, le remplacement des pièces détachées, les réparations mineures, etc. L’équipe de maintenance dont il était sous-officier était responsable de surveiller manuellement le bon fonctionnement de cette machine complexe.

Ils avaient accès à 4 ordinateurs et des terminaux partout dans le vaisseau pour récolter toutes les données des drontes, construire des tableaux et des analyses statistiques afin de trouver toute anomalie. Et il y en avait tous les jours. Souvent ces anomalies étaient bénîmes: un bug connu ou pas dans les systèmes qui empêchaient les drones de se synchroniser correctement et qui forçait un opérateur de manuellement redéfinir quelques ordres par exemple. Ou alors une panne mécanique non-standard sur laquelle il fallait improviser pour trouver du matériel de remplacement…

Parfois, même souvent, il était possible de corriger définitivement le problème: une grande partie des systèmes n’étaient pas complètement en lecture seule, et le lieutenant officier de maintenance avait la responsabilité d’autoriser des modifications en profondeur dans la programmation du vaisseau. Mais d’autres fois il s’agissait de systèmes en dur. Pas de modification possible à moins de prendre le risque de détruire définitivement une partie critique du vaisseau, qui parfois n’était pas remplaçable sans passer par un chantier spatial.

L’équipage tenait alors simplement un journal de modifications et de routines de corrections qui était communiqué (et souvent pas pris en compte) à l’amiralité pour être corrigé dans toute la flotte. Au final, ces journaux de modifications étaient plus utiles échangées discrètement entre capitaines pour compléter leurs propres routines de maintenance.